J'avais moins de 7 ans quand mes parents m'ont offert cet album pour m'aider à passer le temps pendant une convalescence. Et cette BD a doublement marqué mon enfance.

D'abord un souvenir un peu douloureux à ma première lecture de la page 54. Celle où l'on voit Tintin poursuivi par des douaniers à la frontière entre la Syldavie et la Bordurie. Il s'échappe en emportant une bouteille de vin et une grosse miche de pain. Ce n'est pas la bouteille brisée par une balle bordurienne qui m'a gêné. Non. J'étais trop jeune. C'est le fait que, à l'image suivante, Tintin dévore un morceau de pain en courant. Subitement, je l'ai envié énormément. En effet je venais de me faire opérer des amygdales et je n'avais pas encore droit aux nourritures solides. Une seule image, pas très grande. Une frustration, immense...

Ensuite, et surtout, le fait que Hergé ait inventé deux pays avec, notamment, les pages 19 à 21 présentant la Syldavie et racontant son histoire. Ce fut un déclic et je me suis mis progressivement à imaginer un pays, un drapeau, une monnaie, une géographie et des cartes que j'ai améliorées petit à petit. Les années ont passé, les contours ont varié, mon frère est rentré dans ce jeu en inventant son propre pays. Avec nos petits soldats, le train électrique et nos Lego, nous avons guerroyé l'un contre l'autre, imaginé des frontières, des traités de paix et même un rempart protecteur. C'était l'époque où le mur de Berlin était bien en place avec deux secteurs si différents et des rues abruptement coupées.

D'autres aventures de Tintin ont jalonné mon apprentissage de la vie et ma découverte du monde. Comme beaucoup de gosses de cette époque, il m'en est resté beaucoup plus de souvenirs que la lecture, plus tard, de certaines œuvres issues de la "grande Littérature"... mais sans aucun doute moins marquantes...

Merci Hergé.