Une camionnette vient proposer du pain chaque matin vers 8h. Un petit coup de "pouet-pouet" en passant devant chez nous avant d'aller au fond de l'impasse et de revenir. Très pratique. Pile-poil le temps de préparer la monnaie, de quitter les pantoufles et d'attendre son passage.

Attente plus ou moins longue à l'entrée de l'impasse, c'est plus pratique pour elle. Devant une maison aux volets fermés.

Sa propriétaire l'a quitté pour aller en maison de retraite, son fils, la cinquantaine, habitait avec elle. Les nombreuses allées-venues de véhicules sanitaires divers et variés ont cessé un jour. Je croyais que c'était pour elle. C'était pour lui. Et j'ai appris un jour le décès du fils. Je ne les connaissais pas, juste un signe de la main ou un sourire.

Depuis, la maison est close. Un voisin serviable entretient les abords, passe la tondeuse. Mais les volets restent fermés.

Et je regarde notre maison, je songe à la fragilité des vies, de nos vies. Un pépin de santé, un accident de voiture et notre maison aurait à son tour les volets fermés. Comme à l'époque où nous n'y venions que certains week-end. Comme à l'époque où nous travaillions tous les deux à Dijon. Comme à l'époque du cambriolage.

Avec la poussière qui recouvrirait nos objets, ces marqueurs dérisoires mais ô combien importants de toute une vie. Avec la nature qui se débriderait en l'absence de dompteur, l'herbe qui pousserait, les noyaux des fruits tombés qui deviendraient des arbustes, avec un potager qui disparaîtrait progressivement...

Et je suis triste devant cette maison close.

La camionnette s'arrête devant moi, je prends une baguette "tradition", parfois un "pain fendu" et retourne là où les volets sont ouverts. L'odeur du café, deux tartines de pain frais...

Et la vie continue.