Auto-portrait pendant mon service militaire - Tübingen 1974
Par une nuit de grand froid, première nuit d'une nouvelle année, un soldat, élite du pays, protégeait le sommeil des défenseurs de la patrie...
Les minutes s'écoulaient nonchalantes, sûres de leur pouvoir. Déchiffrer les inscriptions gravées dans le bois de la guérite donna au vaillant garde matières à réflexion, dans ce monde de silence, en ce moment avancé de la nuit...
Tous ceux qui attendirent l'aube dans cet abri si précaire matérialisèrent leurs aspirations, leurs rêves. Françoise, Lucie, Huguette, Marie-France, Véronique, Odile, Jacqueline, Henriette, Brigitte ne connaîtront jamais cette preuve d'affection ou d'amour qui, peu à peu, disparaitra sous une autre inscription ou sous une couche de peinture dévastatrice...
Cette constatation fit prendre conscience à la sentinelle en faction de la profondeur de sa solitude. Des copains, des copines, des poignées de mains, des souvenirs, beaucoup de choses qui comptent mais qui lui cachaient un manque profond...
Confiant (?) en l'avenir, le soldat de vingt-trois ans se dit que rien n'est joué, que, peut-être un jour, quelque choses de plus puissant s'emparera de lui... Que, peut-être un jour, deux êtres se partageront tout, soucis et joies, et que, alors, il se souviendra avec amusement des réflexions qui lui vinrent à l'esprit un premier janvier dans une guérite, là-bas, à Horb en Allemagne de l'Ouest.
Mirovinben - janvier 1974
1. par mirovinben, le dimanche 04 mars 2018 à 11h57 commentaire
Ce texte un peu bizarre est resté dans son jus d'origine. Ça m'a démangé de le reprendre avec ma vision de vieux de 44 ans plus âgé et des réponses aux questions que je me posais à presque 23 ans... Mais non, finalement.
2. par lynxxe, le dimanche 04 mars 2018 à 13h02 commentaire
Ah mais si ! C'est juste pas très aisé à commenter. Dis-toi que j'ai lu ce texte hier, quand même émue de te découvrir à presque 23 ans, et de t'imaginer "guetteur mélancolique" ("et toi mon coeur pourquoi bas-tu"...), bloqué dans une guérite et un lieu qui ne devaient guère te réjouir. Et depuis tes interrogations reviennent me trotter dans la tête. Les minutes qui s'égrènent, les mutations du temps, les gens qui passent et dont on ne saura presque rien, l'attente, les rêveries de jeunesse... Et donc voilà, un billet émouvant et qui fait cogiter !
3. par Gilsoub, le dimanche 04 mars 2018 à 14h36 commentaire
T'as un peu changé quand même
4. par Marie, le dimanche 04 mars 2018 à 15h31 commentaire
Bigrement émouvant en effet...
J'avais probablement le même genre de pensées et d'interrogations au même âge parce que j'étais aussi une forme de "guetteuse" mélancolique (qu'il me semble être restée).
Je aussi suis toujours attendrie par les jeunes hommes qui laissent pousser leur moustache pour se vieillir un brin.
5. par mirovinben, le lundi 05 mars 2018 à 05h58 commentaire
Merci d'avoir pris le temps et la peine de me faire part de votre ressenti à propos de ce texte. Sa relecture récente m'a fait un drôle d'effet car cette nuit du 1 au 2 janvier 1974 est encore très présente dans ma mémoire. Une grande impression de solitude, une nuit qui n'en finissait pas et le sentiment de ne rien avoir à faire à cet endroit
lynxxe, en effet le lieu n'avait rien de réjouissant, au fin fond de la caserne. Et cette garde a été la seule où j'avais des balles réelles dans mon chargeur à cause de menaces de la bande à Baader...
Gilsoub, ah ? tu crois ?
Marie, le port de la moustache semble une tradition familiale : mon père, moi, Fils-Aîné et Fils-Cadet. De tailles et de teintes différentes. Plus ou moins fournies.
6. par Franck, le lundi 05 mars 2018 à 07h57 commentaire
Ah ah, la bande à Baader, on avait aussi des chargeurs de balles réelles pendant les gardes, avec la première à blanc, de sommation, faut pas déconner
Cela dit, pendant que j'ai fait mon service, ça n'a pas empêché une armurerie d'une des garnisons d'Allemagne de se faire dépouiller (j'ai pas su s'il s'agissait de la bande à Baader ou d'autres) et je me souviens m'être dit que face à des énergumènes bien décidés on ne valait pas grand chose, nous autres, simples plantons isolés au milieu de la nuit !
7. par mirovinben, le mardi 06 mars 2018 à 08h50 commentaire
Où as-tu effectué ton service militaire et en quelle année ?
8. par Franck, le mardi 06 mars 2018 à 10h48 commentaire
Saarburg en Allemagne, classe 81-08, au 6e Régiment de dragons (alias « La reine dragon » vu que c'était historiquement le régiment affecté à la protection de la reine).
Étonnamment il existe même un site web sur cet ancien régiment en Allemagne.
9. par Tomek, le mercredi 07 mars 2018 à 11h19 commentaire
Beau texte… qui me replonge dans une garde qui m'avait impressionnée, alors que je faisais mon mois de "spécialisation" à la caserne Colin de Montigny-les-Metz alors occupée par le 43e régiment de transmissions.
Je n'ai pas le souvenir précis de l'équipement, sans doute un Famas avec le canon bouché je suppose… mais c'était en janvier (94), il faisait froid et je devais faire régulièrement le tour d'un quartier "sensible" de la caserne… s'agissait-il du dépôt d'armes, de matériel spécifique… je ne sais plus trop. Et en référer si quelque chose semblait louche.
Mais la solitude et une vague peur étaient bien présentes. Et le temps qui s'écoule leeennnteeemmmeeennnt aussi. Pas le pire souvenir du service, mais pas le plus agréable non plus.
10. par mirovinben, le mercredi 07 mars 2018 à 15h39 commentaire
Grands moments de solitude en effet...
Les souvenirs tournant autour de ce séjour bidassier en Teutonie m'a donné envie de revoir les photos prises à cette époque. Et probablement d'en faire un ou deux billets.
Ou pas
11. par Tomek, le jeudi 08 mars 2018 à 11h20 commentaire
Mais oui, go !
12. par mirovinben, le vendredi 09 mars 2018 à 05h54 commentaire
Les diapos de l'époque ont perdu de leurs couleurs. Je vais voir comment les "rénover".
13. par Chandelin, le dimanche 01 avril 2018 à 17h12 commentaire
Mon unique nuit entière passée à faire le planton à la porte d'une caserne, était également prise d'assaut par la question de savoir ce que je pouvais bien foutre là. A la petite différence, que je n'étais pas d'humeur mélancolique, mais je râlais intérieurement comme un putois : que pouvais-je donc bien défendre, muni d'un couteau et d'un masque à gaz ?
Sans jamais avoir manié ni l'un, ni l'autre, évidemment.
14. par mirovinben, le lundi 02 avril 2018 à 06h42 commentaire
Où se confirme le manque d’appétit à monter la garde, surtout de nuit, pour nous, pauvres appelés qui auraient voulu vivre autre chose, autre part...